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Salut à toi, une exposition collective présentée à l’Antre Peaux

Ralf Marsault, Olga, Berlin (East-Side Galerie Wagenburg) 1996, tirage argentique, 52 x 42 cm © Ralf Marsault

La commissaire d’exposition Julie Crenn organise l’association berruyère Antre peaux une exposition collective intitulée “SALUT À TOI!” qui réunit un ensemble d’archives des Bérurier Noir et les œuvres de treize artistes pluridisciplinaires. SALUT À TOI manifeste une continuité des luttes, des années 1980 à aujourd’hui. L’exposition retrace aussi l’histoire du groupe qui a marqué la scène punk rock française. Par l’histoire des Bérus s’exprime une survie graphique : la nécessité collective de dénoncer les violences d’État, les injustices et les oppressions systémiques qui perdurent dans le temps.


Type de fabrication : Impressions de dos bleu et de papier peint.
Le laboratoire Picto aide les photographes professionnels pour la réalisation de leurs expositions, des tirages à l’accrochage, en passant par les finitions et l’encadrement.


SALUT A TOI visiteureuse, sois la.le bienvenu.e dans la nouvelle exposition collective présentée ici au Transpalette à Bourges. Dans cette même ville, en 1986, les Bérurier Noir (1983-1989 / 2003-2006) viennent jouer une première fois sur l’invitation d’Emmetrop — une association fondée par de jeunes artistes fraîchement diplomé.es de l’école d’art —. Nourri.es par une urgence collective, une culture du squat et d’espaces autogérés, d’anarchisme, de sabotage, d’autodétermination, d’un refus de l’autorité, d’autonomie et une soif de liberté d’expression, les acteur.es de la culture punk fabriquent des modes d’existences alternatifs, investissent les marges, résistent pour s’émanciper. Au cours des années 1980, il fallait absolument assister à un concert des Bérus. Le groupe réveille les consciences sans pincettes et sans compromis. Les Bérus — Fanxoa, Loran, Masto, les Titis, les Tontons, Jojo et toute la raya1— sont le porte-voix d’une jeunesse en colère, de luttes blessées et empêchées par une violence intersectionnelle, institutionnelle et systématique. Toute aussi inquiète et concernée par l’instabilité mondiale, la jeunesse a soif de radicalité pour pogoter sur une société qui l’étouffe et la musèle. On en a marre des injustices – Et des embrouilles de la police – On ne veut pas être punis – Rester soumis toute la vie – (« On en a marre », 2006) Il s’agit alors de hurler, de se déchainer, de se motiver, de contester, d’être ensemble pour foutre un joyeux bordel.

Sans historicité et sans nostalgie, SALUT A TOI invite à revenir sur l’histoire d’un compagnonnage entre Emmetrop (devenue Antre Peaux en 2020) et les Bérus — quarante ans d’amitié, (photographies, videos, sons, textes) des Bérurier Noir —, ainsi que les œuvres de treize artistes issu.es de générations et d’horizons très différents. Au-delà de l’histoire du groupe, l’exposition relie un contexte social et un combat politique intergénérationnel, une philosophie politique et une esthétique DIY (do it yourself) qui font partie de l’ADN de la culture punk. SALUT A TOI manifeste une continuité des luttes, des années 1980 à aujourd’hui. Il signifie une multitude d’insurrections contre les injustices et les abus de pouvoir : fascismes, violences d’État, violences policières, privations de libertés fondamentales, hétéropatriarchie, néolibéralisme, censures, prisons, guerres, dictatures, climatoscepticisme, racisme, islamophobie, classisme, antiféminismes, lgbtphobies et tant d’autres. La liste est trop longue et ne peut être exhaustive : de Malik Oussekine et Abdel Benyahia (1986) à Steve Maia Caniço (2019) et à Nahel Merzouk (2023), sans oublier toutes les autres victimes — du voile interdit à celui de l’abaya —. L’opposition reste puissante grâce, entre autres, aux combats et actions des Gilets Jaunes, des Soulèvements de la Terre, des zadistes, de #NousToutes, du Comité Adama, d’Act Up, du collectif Enfantiste, de Décolonisons Nous, etc. Les positions et les crispations s’extrémisent, les marches, les occupations, les émeutes, les paroles et les manifestations se multiplient, tandis que les scores de l’extrême droite grimpent inexorablement. En 2024, la jeunesse emmerde(-t-elle toujours) le Front National ? (« Porcherie », 1985) Alors que nous devrions toustes nous concentrer sur une lutte commune : le soin du vivant, la communauté des humain.es continue de se déchirer, se mépriser et s’annihiler. Il s’agit très modestement, de visibiliser par l’art (tous les arts) les mécanismes de transmission de ces violences intestines, ainsi que celleux que l’on ne voit pas, celleux que l’on n’entend pas. Les violences, les oppressions, les impensés et les invisibilisations se perpétuent dans le temps. Les luttes n’ont pas vraiment changé, voire, elles se sont aggravées et multipliées.

Notre ambition serait de devenir un spectacle total, d’accentuer encore le côté visuel, d’inclure du cirque, de l’acrobatie, des arts martiaux, des films et tout ce qui pourra nous passer par la tête… De toute façon nous sommes un petit théâtre de guerre et aussi bien par la scène que par nos textes ou même notre musique, nous tentons d’être une image, un reflet du monde dans ses excès les plus extrêmes. (Bérus, 1985 – Dossier de presse, A bien märrer hiier souàr – AZM, 2023)

L’exposition retrace d’une manière plastique l’histoire du groupe qui a durablement marqué la scène punk rock en France et au-delà de son hexagone. Par l’histoire des Bérus s’exprime une survie graphique (une notion repérée sur un tee-shirt de Fanxoa) : faire avec ce que nous avons sous la main pour manifester une nécessité de dénoncer les violences d’État, les injustices et les oppressions systémiques qui renforcent des hiérarchies aliénantes et mortifères. Une survie graphique également portée par les artistes invité.es : Ralf Marsault est acteur et documentateur des scènes punks berlinoises et parisiennes entre les années 1980 et 2000. Ses portraits de femmes punks font échos à la galerie de portraits peints de personnages punks réalisés par Raphaëlle Ricol. Roberta Marrero colle et dessine les pages de son journal engagé et référencé sur des feuilles A4. Un format que nous retrouvons au sein du collage d’ampleur de Fanxoa : Le Mur des AgitéeXs ! Une mosaïque de visages en confrontation qui forment in fine une famille artistique et politique. La présence nécessaire et importante du label punk et indépendant : Archives de la Zone Mondiale (AZM) qui présentent les vinyles et éditions du groupe. L’installation de draps, d’éclats de verre et de chaînes de Hatice Pinarbasi dénonce les censures subies par des groupes et chanteuses engagées en Turquie. À Barbès Rochechouart, Babi Badalov procède quotidiennement à des cueillettes urbaines de tracts, d’affiches, de fragments de documents qui racontent son quartier. Agathe Pitié dessine minutieusement La bête de l’Apocalypse (2023), une œuvre inédite qui représente un combat entre les punks et le néolibéralisme, tandis que Damien Deroubaix traduit la pensée Porcherie (1985). De la Palestine aux violences policières, en passant par la lutte contre la réforme des retraites, Erwan Keruzoré manipule les objets du quotidien pour les transformer en armes militantes. Violences policières que nous retrouvons au cœur des œuvres tissées de Juliette Vanwaterloo et des peintures de Jean-Xavier Renaud. Les photographies de manifestations queer et racisées d’Estelle Prudent participent à l’archive au présent d’une communauté fière et résistante. Céline Ahond coud des slogans textiles suite à différentes résidences en milieu carcéral. Des œuvres qui font écho aux enregistrements de femmes en prison réalisés par Masto. Les tapisseries de Suzanne Husky manifestent une pensée écologique à l’intérieur de laquelle il nous faut observer et écouter les animaux. Alors, la survie graphique incarne aussi un esprit collectif que les Bérus ont su porter sur scène avec la raya, une pensée de la troupe, de saltimbanques insolent.es qui ont su conjuguer une pensée politique à l’humour, l’absurde, l’autodérision et la fête. SALUT A TOI s’inscrit dans cette pensée de la raya. Dans un moment de convergence de luttes plurielles et situées, les artistes invité.es et les Bérus partagent un même cri. Le monde est une vraie porcherie : soulevons-nous et agitons-nous !

Julie Crenn, novembre 2023

1 “Mot d’argot parisien qui vient du turc. Mettre la raya signifie d’abord « foutre le bordel » puis la raya sert à désigner les potes, la bande, ceux qui font du bruit. Bref, les punks.” (Gaëlle Maisonnier – Melo – https://www.melo-app.com/notice/berurier-noir )

• Date : Du 18 février au 5 mai 2024
• Lieu : Antre peaux
24-26 route de la Chapelle
18000 Bourges
https://antrepeaux.net