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La France sous leurs yeux : entretien avec Pierre Hybre

© Pierre Hybre – MYOP / Grande commande photojournalisme

Dans le cadre de l’exposition “La France sous leurs yeux” présentée actuellement à la Bibliothèque nationale de France et qui réunit les 200 photographes lauréats de la grande commande photojournalisme lancée par le ministère de la Culture, nous avons interrogé une partie des photographes ayant confié la réalisation de leurs tirages au laboratoire PICTO. Aujourd’hui, rencontre avec Pierre Hybre autour de son projet intitulé “Jura, les oubliés de la Plastics Vallée”.

Comment est né le sujet que vous avez choisi de développer dans le cadre de la Grande Commande ?

Un peu de hasard, comme il est souvent là pour nous souffler l’idée de départ. Je cherchais à la fois un endroit reculé du territoire français et une histoire qui n’avait pas déjà été traitée. Je venais juste de lire L’inconnu de la Poste de Florence Aubenas, une enquête située dans une vallée du Jura : La Plastics Vallée.
Un endroit qui semblait totalement inconnu même si la petite ville rurale d’Oyonnax est étiquettée Capitale européenne du plastique.

Dans quelle mesure celui-ci apporte-t-il à notre perception des « paysages », des réalités et des enjeux de la France d’aujourd’hui ?

Oyonnax et sa petite vallée industrielle concentre à elle seule tous les enjeux d’une France fracturée en deux, socialement et géographiquement. Documenter un territoire restreint m’a permis de questionner de manière plus proche, plus intime, ces questions de fractures.
Les personnes rencontrées m’ont confié leurs histoires. Ceux sont-elles dans leurs diversités qui permettent de comprendre les difficultés auxquelles elles doivent faire face.

Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer dans le cadre de la réalisation de ce projet ? Au contraire quelles bonnes surprises chemin faisant… ?

Quand l’on se présente comme photojournaliste, les gens se ferment, ce n’est pas nouveau mais cela est de plus en plus marqué. Tout ce qui touche aux médias est de manière générale mal accepté. La pandémie de Covid-19 a accentué ce sentiment et les propos complotistes revenaient fréquemment dans les échanges.

J’ai travaillé à la fois dans les quartiers prioritaires, j’ai également photographié des personnes originaires du coin, ceux qui ont développé cette industrie et qui appartiennent à la bourgeoisie locale. J’ai réussi à pousser des portes, certaines se sont fermées, comme celles d’associations caritatives, de structures sociales ou d’entreprise qui ne souhaitaient pas ma présence, tandis que d’autres ont vu l’intérêt d’échanger et de partager leurs expériences. Malgré les difficultés de départ, j’ai réussi à construire une série documentaire photo « chorale » en préservant ma liberté d’auteur.

© Pierre Hybre – MYOP / Grande commande photojournalisme

Que représente pour vous, en tant que photographe, la possibilité de participer à une telle commande, pour ainsi dire historique ?

J’en suis très flatté bien sûr, je ressens cela comme une très grande chance que ma photographie participe à ce portrait de la France, en toute modestie !

D’un point de vue purement photographique, comment avez-vous choisi de travailler ? Négatif, numérique, couleur, noir et blanc, formats,… qu’est-ce qui a été décisif pour ce morceau de France sous vos yeux ?

Je choisis en fonction des projets comment travailler, en film ou en numérique et avec quel boîtier, moyen format ou 24×36. Pour cette commande j’ai photographié avec un boîtier Canon 5D. Tous les portraits ont été pris au 50mm dans un format vertical, les photos étaient posées et mise en scène en évitant tout artifice. Les conditions de lumière étaient très difficiles à l’automne et le numérique me permettait de travailler à toute heure, très légèrement. Pour la post production des images, j’ai voulu un rendu neutre au plus près du réel.

Vos photographies sont exposées à la BnF et conservées dans les collections de l’institution. Quels dispositifs avez-vous choisi de privilégier pour cette restitution ? Comment le format, la technique du tirage sont-ils des prolongements de votre travail et de sa portée ?

Concernant les tirages d’exposition, j’ai choisi chez Picto le tirage Lambda en RC satiné. C’est la technique que je privilégie en général pour mes expositions. Les photographies ont été tirées au format 50×70. Je voulais que les portraits en plan buste dégagent une certaine présence.
Pour les tirages d’archives qui sont archivés à la BNF, le choix du jet d’encre pigmentaire a été évident pour son côté pérenne. Le papier était un Canson platine fibre Rag au format 40×50.

Retrouvez nos précédents entretiens :
Jane Evelyn Atwood publié le 22 mars 2024
Olivia Hespel-Obregon publié le 26 mars 2024
Lucie Hodiesne Darras publié le 29 mars 2024


• Date : Du 19 mars au 23 juin 2024
• Lieu : BnF – Bibliothèque nationale de France
Quai François Mauriac
75013 Paris
https://www.bnf.fr/fr/