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Inimaginable : une image, une semaine par mois – Lizzie Sadin

Ce mois-ci, c’est une photographie de Lizzie Sadin qui a été sélectionnée pour participer à la troisième campagne d’affichage de l’année organisée par l’Association Inimaginable*. L’image qui sera exposée à Paris du 2 au 9 avril 2013 est issue d’un reportage réalisé sur la violence conjugale. Rappelons tout de même qu’en France, une femme meurt sous les coups de son compagnon tous les 2,5 jours. Le laboratoire Picto est partenaire de l’événement.

Une image, une semaine, par mois
Lizzie Sadin : Est-ce ainsi que les femmes vivent ? Violence conjugale, les femmes battues en France

La violence conjugale est un grave problème de société, qui touche tous les milieux sociaux, toutes les cultures. Elle est inacceptable. Le chiffre des violences conjugales est un chiffre noir. Les estimations se rejoignent cependant pour dire qu’environ 3 millions de femmes sont victimes de violence conjugale, soit une femme sur sept. Cette femme connaît son agresseur. Il habite à la maison…
Cette femme est peut-être notre amie, notre voisine, notre soeur…
La violence se développe à travers des cycles dont l’intensité et la fréquence augmentent avec le temps, jusqu’à pousser la femme au suicide ou à l’exposer à l’homicide.
Cette année, 150 femmes meurent des coups portés par leur compagnon. Une femme meurt tous les deux jours et demi de violences conjugales en France et plus de 3 000 actes de violence ont entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours…
A une époque où peu de sujets restent tabous, il m’avait semblé urgent de témoigner sur ce problème délicat sur lequel on jette encore trop souvent un voile pudique. La famille est le lieu par excellence du privé. Aucun photographe n’est censé y faire des photos, encore moins ce genre de photos.
Photographier des femmes battues juste après le drame, chez elles, dans des services d’urgence d’hôpitaux ou des foyers d’hébergement peut, pour certains, paraître du voyeurisme. Pourtant ma démarche est exactement inverse. J’ai voulu dénoncer ce qui est rarement vu. Redonner à ces femmes la dignité qui est la leur. Combattre le silence dans lequel elles se trouvent.
Parler de la violence conjugale dérange. Mais se taire, c’est les rendre victimes deux fois. J’ai ressenti le besoin d’apporter ma modeste contribution en proposant mon regard de femme photographe sur ce très grave problème.
Je savais que vouloir réaliser des photos sur un sujet aussi sensible pouvait déranger. Je ne cherchais ni à étonner, ni à choquer et encore moins à flatter un quelconque voyeurisme.
J’ai voulu photographier ces autres nous-mêmes, là aussi, retenir par l’image ces moments de vie où l’on ne parle plus, où seuls les yeux et le coeur s’expriment. Je voulais que mes photos montrent, dénoncent et donnent à réfléchir.
Le pari sera gagné pour moi, si, à la vue des images, des femmes s’emparent de leur parole, sortent de leur isolement, osent briser le mur, osent dire, osent !
Le pari sera gagné pour moi, si, à la vue des photos, l’émotion et le coeur mis à contribution, on se sent proche tout simplement…
Lizzie Sadin

Lizzie Sadin
Journaliste photo reporter engagée. Sa photographie montre, témoigne et donne à réfléchir. Ses instantanées, la vie saisie au 250e de seconde, l’image fugitive est la touche finale d’une longue présence, d’une observation aiguë des sujets traités, d’une démarche dans le temps pour comprendre avant de dénoncer. Lizzie SADIN combat le silence, sa photographie donne une voix aux sans voix, personnages de ses reportages, des femmes, des hommes, des enfants qui souffrent d’inégalité, d’injustice, d’exploitation. Elle est en immersion dans ses sujets. Elle en devient un personnage accepté par les autres dont elle gagne la confiance. Le point commun de son parcours photographique ce sont les gens. Le point commun de sa vie professionnelle ce sont aussi les gens. Avant la photographie, elle a été durant une dizaine d’années successivement éducatrice, animatrice socio-éducative et formatrice sur la lecture auprès d’ illettrés ou analphabètes, auprès de sidérurgistes et métallurgistes en reconversion en Lorraine ou à l’usine SKF occupée à Ivry.
Passionnée contemplative de photographie devant les clichés des Sebastiao Salgado, Eugène Smith, Dorothee Lange et autres photographes humanistes, elle décide de voyager, de témoigner avec des reportages de fond sur des sujets a caractère social portant sur les Droits Humains. En 1992, Lizzie décide de photographier ce qu’elle a trop vu être ignoré, caché. Elle s’est intéressée aux Arabes Israéliens, au Kosovo après le chaos, à l’immigration clandestine en Europe, à la pollution en Silésie, à l’obésité des adolescents, aux mineurs étrangers isolés, à la déforestation en Amazonie, aux mères adolescentes…
Elle rejoint entre 1994 la prestigieuse agence Rapho de R. Doisneau et d’autres humanistes de la photo puis l’agence Editing en 2002.
Durant trois années (1996-98) elle réalise un gros travail photographique sur la violence conjugale en France, « Est-ce ainsi que les femmes vivent ? ». Lizzie va sillonner durant trois années, les services d’urgences des hôpitaux, les domiciles des femmes, les commissariats de police, les foyers d’accueil, les
palais de justice… Partout où les femmes battues, victimes de la violence conjugale trouvent un abri, des soins et de la dignité aussi… Un second volet « Mâles en poing » donnera la perspective des auteurs de violences, les hommes. L’ensemble a été récompensé par de nombreux prix français ou internationaux. Ses photographies illustrent la campagne mondiale d’Amnesty International contre les violences faîtes aux femmes en 2006.
Elle s’est également consacrée à l’Infanticide et l’élimination sélective des petites filles en Inde, “Meurs et envoie-nous ton frère …”, aux mariages précoces des petites filles en Ethiopie “De si petites mariées…”
En 2007, elle travaille sur la traite des femmes en Moldavie et le tourisme sexuel des mineures à Madagascar
De 1999 à 2007, elle se consacre à un long travail sur les conditions de détention des enfants dans le monde « Mineurs en peines » 8 ans d’enquête et de reportages, 60 pays démarchés, au final11 pays sur 4 continents, 60 prisons visitées. Pays pauvres ou riches, pays en paix ou pays en guerre, pays démocratiques ou Etats de Non Droit.. Ce reportage obtiendra plusieurs prix dont le Visa d’Or 2007, le
Prix spécial du Jury Days Japan Tokyo, le Top D’or au Festival International du Photojournalisme de Shenyang et sera finaliste au Prix Eugène Smith, New York et d’autres…
Elle collabore également avec des organisations humanitaires comme Amnesty International, Human Rights Watch, UNICEF, Terre des Hommes, Fondation Abbé Pierre, Médecins du Monde, etc…Le premier volet “Les enfants du bagne” a illustré la campagne mondiale d’Amnesty International sur le sort des enfants en détention en Russie ainsi que la campagne “Horizon, enfants privés de liberté ” du BICE présidée par Robert BADINTER.
En 2011, le Prix Boulat lui permet de réaliser « Terre Promise, Femmes promises…» un reportage sur la traite des femmes en Israël.
Depuis, elle travaille sur les extrémismes, de l’Islamisme radical en Europe à la montée du fascisme en Hongrie ou sur l’Ultra Droite. En France et ailleurs…

Lieux d’Affichage :
– Angle rue de Rome et boulevard des Batignolles 75008 Paris
– 81 boulevard Sébastopol 75002 Paris
– Boulevard Magenta 75010 Paris
– 7 boulevard Gouvion Saint Cyr 75017 Paris
– Face au 55 Avenue Gambetta 75020 Paris
– 47 boulevard Rochechouart 75009 Paris
*Inimaginable est une association qui propose de développer et financer les projets des photoreporters qui traitent de l’actualité des Droits de l’Homme et des Discriminations. Trop de reportages ne voient pas le jour faute de financement et les images ne “circulent” pas suffisamment auprès du grand public, pour cela, Inimaginable trouvera auprès d’une plate-forme de financement participatif (KissKissBankBank) le budget de production pour la réalisation du projet et sélectionnera chaque mois l’image d’un photographe pour organiser une campagne d’affichage en plein cœur de Paris.

 

Légende : FOYER D’ACCUEIL CHATILLON, 20H. T… a 14 ans. Elle pleure sous la table en entendant les souvenirs évoqués par sa mère avec sa voisine de chambre. Elle se bouche les oreilles. « C’est trop dur, dit-elle. Je ne peux plus rien entendre, je ne peux plus y penser, je veux que ma mémoire s’efface. » Le coeur abîmé, la mémoire marquée au fer de la violence. © Lizzie Sadin