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Vasantha Yogananthan, lauréat de la Bourse du Talent espace 2012

Le jeune photographe Vasantha Yogananthan vient de remporter la Bourse du Talent Espace pour sa série Piémanson (voir le portfolio), un travail au long cours sur la dernière plage sauvage d’Europe et ses habitants. Kasumi, transition contemporaine du photographe Jean-Lionel Dias a reçu la mention spéciale du jury.Le jury composé de Catherine Lenfant (Commissaire d’exposition – Cité Chaillot), Didier Pilon (Directeur ICART-PHOTO Paris), Catherine Cukierman (Agent de photographes), Luc Choquer (Photographe) et Olivier Castaing (Directeur de la School Gallery), a annoncé vendredi 23 novembre le nom du lauréat de la Bourse du Talent Espace : Vasantha Yogananthan, sélectionné parmi 12 autres nominés.
Les travaux primés seront exposé à la Bnf à partir du 14 décembre 2012.

Piémanson

La saison d’été n’a pas encore commencé, mais, déjà, les caravanes, les camping-cars, les voitures et leurs remorques roulent au pas sur la route qui mène à la plage de Piémanson. Ici, le 30 avril au soir, les estivants attendent fébrilement le départ d’une course singulière : à minuit pile, la plage sera ouverte à tous par les autorités. Dans l’attente des douze coups fatidiques, les enfants sont partis en bandes explorer leur futur terrain de jeu, les parents ont posé les tables pliantes sur le bas-côté pour « l’apéro ». La plupart retrouvent des amis de l’an dernier, trinquent, savourent le plaisir d’une communauté renaissante.

Cela fait vingt-sept ans que Michel tire ses caravanes depuis Manosque jusqu’ici. « Je connais cette plage grain par grain », dit-il. Il fait partie de ces habitués qui arrivent les premiers et que l’on surnomme les « doyens de la plage ». Au petit jour, ils commencent la construction des campements, calent les caravanes, délimitent les emplacements. Le 1er mai à Piémanson, la fête du travail n’est jamais chômée.

Cette plage, dit-on, est la dernière grève sauvage d’Europe. Au cœur du Parc naturel régional de Camargue, à 40 kilomètres d’Arles, elle s’étend sur 25 kilomètres jusqu’à l’embouchure du Rhône. Son histoire a commencé dans les années 1970, avec la création de la route reliant la plage au village de Salins-de-Giraud. Pêcheurs, campeurs, caravaniers, investirent les plages sans droit ni titre. Depuis, Piémanson demeure la dernière zone non réglementée de cette partie de la côte. Sa population estivale varie de quelques centaines d’habitants en mai, à près de 8000 personnes durant le mois d’août. Pour l’instant, les pouvoirs publics tolèrent ce rassemblement, bien qu’il soit en infraction avec la loi « littoral » qui stipule que le bivouac est autorisé pour une nuit seulement. Mais les vacanciers de la plage de Piémanson se disent chaque année que l’été les pieds dans l’eau et à l’œil sera peut-être le dernier.

Au mois de juillet, les campeurs viennent de toute l’Europe. Arrivé d’Allemagne, Wolfang campe depuis des années dans le camping-car qu’il a construit de ses mains. Il est catégorique : « Dans mon pays, il n’y a plus d’espace de liberté comme celui-là. » De l’autre côté de la piste, un groupe de familles originaires de la région s’est spécialisé dans la construction de cabanes de fortune qui servent d’annexe aux caravanes. Serge, Schol, Eric, Marc, Kéké, Moni, Jean-Claude et Laurent rivalisent d’ingéniosité : canapé en skaï, sono et guirlande branchées sur une batterie pour décorer un bar, douche solaire, toilettes sèches : leur imagination ne connaît pas de limites. A Piémanson, sans eau courante, ni électricité, sans tout à l’égout ni commodité, le bricolage fait partie intégrante de la vie quotidienne.

A la fin de l’été, en septembre, il ne reste plus rien de ce petit monde éphémère. Les campeurs sont partis sans laisser de traces. Sans savoir non plus si, l’année prochaine, ils pourront réinventer leur parenthèse enchantée sur ce bout du monde que les faiseurs de loi ont le bon goût d’oublier.

Vasantha Yogananthan