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Finaliste Prix Picto de la Mode 2022 : Luciana Crouz

Je suis née dans une famille d’artistes. J’ai grandi dans des ateliers, entourée de cadres et de pigments de toutes les couleurs. Dans cette vie, la composition, la colorimétrie, les textures et la narration étaient des questionnements quotidiens. Le portrait avait une place privilégiée, sur nos murs et celui des ateliers, dans nos bibliothèques et nos très nombreux albums photo. J’ai 6 ans quand on installe un ordinateur dans le salon, 7 quand on me présente Photoshop. Il deviendra un compagnon de jeu régulier.
En grandissant, la suite logique me paraissait être l’image en mouvement: le cinéma.
Approfondir la photographie ne m’avait même pas traversé l’esprit. Pour moi prendre une photo était un geste du quotidien, très intime, et je ne cherchais son intérêt que dans son authenticité, sa mémoire, accordant sa beauté à d’heureux hasards. Je les gardais précieusement pour moi.
En me prêtant à l’exercice de la vidéo, et à ses complexités techniques, j’ai réalisé que le cadrage pouvait être un travail de composition rigoureux et non pas juste un fruit d’opportunisme et de chance. J’ai réalisé qu’avec une seule image je pouvais raconter une histoire. J’ai réalisé que je pouvais choisir la mise en scène et tout contrôler: quelles couleurs, quelles textures, quelles formes, comment la lumière découpe, souligne, que nous raconte le ou la modèle,… et tout ça est possible seule, avec une simple caméra,
Un espace de liberté formidable somme toute, et le paradis du perfectionniste.
Une fois adulte j’ai développé plusieurs activités. D’une part j’ai beaucoup dessiné et re-découvert l’aquarelle en faisant des séries et des séries de portraits. D’autre part j’ai créé une marque de bijoux de haute fantaisie avec un autre artisane locale, Miléna Récanzone, puis une ligne de vêtements.
Pour promouvoir ces créations j’ai du faire des photos. Un nouveau terrain de jeu s’offrait à moi. Créer une identité visuelle, mettre en valeur un produit, faire des rappels de textures, travailler la colorimétrie…
C’est toujours à cette étape de la création que je prenais le plus de plaisir. Il m’arrivait même souvent de penser la mise en scène de la photo avant même de penser le modèle de boucles d’oreille ou de vêtement que j’allais fabriquer… Et pourtant il me fallut encore un certain nombre de signes avant de comprendre l’évidence: je voulais être photographe.
Ce parcours tout en zigzag m’aura beaucoup enrichie.  Aujourd’hui, je me dédie entièrement à la photographie.

Anahi

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Dans cette série ce sont, au travers des couleurs chaudes et des lignes rigoureuses qui font la composition, plusieurs thèmes qui se croisent et se rejoignent finalement : L’évidence d’abord, une inspiration picturale emprunté à l’Art Nouveau. Ce style apparu au début du 20ème siècle fait la part belle à la nature, se séparant de l’austérité qui a marqué l’essor de l’industrie en Europe. Ses ambitions sont aussi d’être un art total en cela qu’il rassemble art et artisanat, réconciliant ainsi l’esthétisme et sa pratique, le matérialisme et l’éthéré, la nature et la culture. Parmi les enfants de l’Art Nouveau des artistes comme Franz Von Stuck, Mucha ou Klimt. C’est de leur influence et plus globalement de cet esthétisme pluridisciplinaire que s’inspire cette série de clichés. On la retrouve dans les motifs rigoureux de la robe, géométriques sans être industrieux et leur mariage avec les drapés, les courbes, la sinuosité des compositions. Dans la répétition des motifs mais sans rigidité, dans l’abondance des mouvements sur la sculpturalité du modèle.

L’autre influence est celle des racines même de la photographe. D’origine Argentine (tout comme la modèle de cette série) elle a grandi dans les couleurs, les ambiances d’une culture métisse. Dans les rythmes et l’esthétisme des milongas, les bals de tango. Nous retrouvons ici l’élégance de cette discipline, l’importance des poses et des pauses, des respirations et des concentrations : Respirations dans la gestion de l’espace dans le cadre. Concentration des couleurs et des textures, du tissu et de la chair.

Pintada

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La photo est un média mixte. Au carrefour du cinéma et de la peinture, il engage l’œil et le corps d’une autre façon que ceux-ci mais par bien des égards il le fait aussi totalement. Pour Marshall McLuhan « le média est le message ». Ici il est composite : Dans cette série, la photo épouse l’aquarelle, se mélange pour brouiller les frontières entre disciplines. Le mélange c’est aussi celui des textures, le travail de l’image étant pensé pour combiner une rugosité de grain en même temps qu’un flou aqueux. Le traitement de la photo a ici été pensé pour créer du lien entre les textures mais également pour rompre les frontières entre médias.