Exposition d’Elsa Beaumont au festival OFF Arles

Cette année, le festival OFF des Rencontres d’Arles revient pour sa seconde édition. Dirigée par Juliette Larochette et Florent Basiletti de l’association La Kabine, cette manifestation s’inscrit dans le paysage arlésien comme un événement satellite prometteur. Picto est heureux d’annoncer son partenariat avec cette nouvelle édition. À cette occasion, le laboratoire a réalisé la production de l’exposition “Le bois de la Dauphine” de la photographe Elsa Beaumont, lauréate 2024 du prix Révélation Saif x La Kabine, présentée au QG du Festival.
Type de fabrication : Impressions jet d’encre sur papier japonais Kozo 110g et collage Dibond 2mm avec châssis affleurant.
Le laboratoire Picto aide les photographes professionnels pour la réalisation de leurs expositions, des tirages à l’accrochage, en passant par les finitions et l’encadrement.
Cette série photographique est le deuxième volet d’un projet mené au sein d’une association d’entraide communautaire basée en Cévennes. Depuis sa création en 1985, celle-ci, acquiert des lieux
abandonnés afin d’y créer des espaces d’accueil pour les personnes marginalisées. Le propos de ce travail consiste à rendre visible des trajectoires de vies qui se développent et s’expriment aux marges de notre société. J’y perçois également l’expérimentation d’une forme alternative de liberté inventée par les recalés du modèle* dans des espaces laissés vacants car ils ne sont plus rentables ou exploitables.
En 2020, la communauté achète un ancien hôtel abandonné et isolé sur le Mont Aigoual, à 1560 m d’altitude ; l’hôtel du bois de la Dauphine. Construit en 1907, d’ici jusqu’à la première guerre mondiale à un tourisme de montagne alors naissant, il sera par la suite abandonné durant trente ans. Les maquisards y trouveront refuge en avril 1944, puis les Allemands l’incendieront sur leur passage. Il ne sera réhabilité qu’en 1970 afin d’accueillir, pour les vacances, les familles des salariés de l’usine Perrier de Vergèze (Gard). Vingt ans plus tard, l’hôtel est à nouveau délaissé, devenant au fil du temps un squat qui sera, encore une fois, incendié.
Aujourd’hui, sept personnes y vivent, dans 2 230 m2 répartis sur trois étages, composés d’une soixantaine de chambres. Cet imposant bloc de béton, ovni architectural, hors du monde et hors du temps, est isolé sur un flanc de montagne malmené par les vents et les pluies diluviennes.
Vivre ici, sur les hauteurs, loin des villes et des villages, avec des moyens de transports quasi inexistants peut s’avérer être une épreuve, un dépassement de soi ou un besoin radical de s’isoler du monde, de se mettre à l’écart pour un temps donné.
Au moment où je photographie, j’ai conscience que les personnes ne vont peut être pas rester, qu’elles ne seront plus là la prochaine fois. Telle une absence en devenir, j’inscris alors les éléments d’un quotidien où se révèle l’évanescence des êtres et des choses qui composent ce lieu.
Au delà des prises de vue, je ressens, en contraste avec la lourdeur architecturale du bâtiment, une sensation d’apesanteur, un effet de mirage, de l’ordre de l’insaisissable, dans lequel se révèlent progressivement des strates, plus ou moins perceptibles, constituées de l’accumulation de bouts de vies passées et présentes. Les photographies
naissent également d’un déséquilibre tangible entre les rares présences des habitants et l’immensité de l’hôtel en partie inoccupé.
Les plis, les traces, les tâches, les empreintes, les objets sont autant d’indices qui témoignent des tentatives hésitantes, fragiles, poétiques qui aspirent à faire de ce lieu un habitat, une maison. Dans ces photographies, je ne place pas l’individu au centre, il n’est pas un sujet à part entière dont je chercherais à raconter l’histoire, il fait partie d’un tout composé de formes, de couleurs et de matières qui tendent à définir l’atmosphère du lieu. J’opère un décentrement, je décale, je regarde l’à côté, le bout de mur, les objets abandonnés, les corps sont morcelés, dispersés dans cet environnement atemporel et énigmatique. On les retrouve parfois distraits devant une fenêtre couverte de buée qui n’offre qu’une vision brouillée du dehors. Le regard alterne entre les deux rives d’une frontière poreuse tendue entre un intérieur et un extérieur, métaphore de notre présence au monde et la place qu’on y occupe. Ce lieu peut-il réellement accueillir ou rejette-t-il systématiquement l’humain qui tente de l’habiter ? Les personnes qui sont arrivées là, se sont elles placées volontairement ou non sur le seuil de notre société, à la lisière de
notre monde ?
* expression du cinéaste Chris Marker dans Sans soleil
Elsa Beaumont explore une approche documentaire et sociale de la photographie, diplômée de l’ENSP, elle est lauréate du prix Révélation et expose régulièrement dans divers festivals, galeries et centres d’art.
• Date : Du 7 juillet au 5 octobre 2025
• Lieu : QG du Festival
1 rue Balze
13200 Arles
https://festivaloffarles.com/