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© Alexander Vasukovich

Découvrez les lauréats 2017 de la Bourse du Talent à la BnF

Ces jeunes talents sont à découvrir à la BnF – François Mitterrand du 15 décembre 2017 au 4 mars 2018.

© Alexander Vasukovich
© Alexander Vasukovich – Commemorative photo

Le prix de la Bourse du Talent Reportage est attribué à Chloé Jafé pour « Inochi azukemasu ».

Devenue hôtesse pour un temps dans les quartiers de Shinjuku et de Ginza, Chloé Jafé rencontre le chef d’un groupe yakuza de Tokyo qui l’autorise à photographier son quotidien. Elle décide alors de suivre les femmes de l’organisation. En tant qu’épouses, filles ou maîtresses, celles-ci y jouent un rôle important, d’où le titre de la série « Inochi azukemasu – 命 預 け ま す » qui signifie « le don de sa vie ». Reprenant la spontanéité du carnet de voyage, ses photographies en noir et blanc montrent tantôt des moments d’intimité entre les couples yakuza, tantôt des réunions de chefs de clans. Chloé Jafé donne une place prépondérante aux gestes et aux corps souvent tatoués dont elle prolonge parfois les motifs hors du cadre de l’image. Rehaussées de gouache de couleurs vives qui traduisent en un sens la violence latente du groupe et renforcent le graphisme des contrastes d’ombres et de lumière, ces photographies évoquent avec une forte charge symbolique le poids du rituel et des traditions.

Le prix de la Bourse du Talent Portrait est attribué à Youqine Lefèvre pour « Far from home »

Née en Chine en 1993, Youqine Lefèvre grandit en Belgique où elle obtient un Bachelor en Arts Plastiques et Visuels à l’ERG (École de Recherche Graphique, Bruxelles). Elle poursuit ses études en photographie à l’École Supérieure d’Arts Appliqués de Vevey où elle vit désormais. Son travail artistique porte essentiellement sur l’humain, l’enfance, la mémoire, la famille et ses failles. Dans la série qui l’a fait connaître, « Far from home », il est question de quête identitaire, intime, en lien avec sa propre histoire d’adoption, qui transcende la dimension du simple témoignage.

Pendant trois ans, en immersion dans un foyer isolé dans la montagne suisse, elle y photographie des enfants. Ces derniers, éloignés de leurs parents, incapables de s’occuper d’eux, ont mûri prématurément à cause des traumatismes qu’ils ont vécus et se trouvent alors dans un entre-deux que traduit l’alternance du noir et blanc et de la couleur. Dans ces portraits, où l’innocence persiste malgré tout, Youqine Lefèvre parvient à capter un moment d’abandon, une faille intérieure, une vulnérabilité dont les paysages se font l’écho. Les images de pierres, récurrentes dans la série, témoignent de la fonction de talisman que leur assignent certains des enfants du foyer.

Le prix de la Bourse du Talent Mode est attribué à Sanjyot Telang pour « Fashion Misfits »

La série « Fashion Misfits » propose un ensemble de portraits de jeunes atteints de trisomie 21, réalisé en collaboration avec une ONG indienne. Sanjyot Telang souhaite ainsi redéfinir les normes de la beauté et favoriser une esthétique non conventionnelle. Elle envisage aussi d’ouvrir avec ce premier projet une voie dans les univers de la mode et de la publicité pour ces modèles souffrants de handicaps et habituellement absents des représentations sociales.

Le prix de la Bourse du Talent Paysage est attribué à Jean-Michel André pour « Borders »

Dans « Borders », Jean-Michel André questionne la notion de frontière, interrogation qui prend la forme d’une errance dont le point de départ se situe dans la Jungle de Calais, à la veille de l’évacuation du bidonville en 2016. Sur ces quelques kilomètres carrés de sable et de broussailles, Jean-Michel André rencontre des réfugiés qui cherchent un abri. À ces images de la Jungle, il mêle divers fragments de paysages afin de former un palimpseste visuel. Ces lieux silencieux ne cessent de signifier la partition, la rupture et la désolation et exhalent le vertige du vide. Les désirs d’ailleurs deviennent poussière et fumée dans ces espaces où la figure humaine, photographiée isolée et de dos, se situe sur un seuil, entre réel et imaginaire, souvenir et présent.

Découvrez les photographes coups de cœur de la Bourse du Talent 2017

Les coups de cœur de la Bourse du Talent Reportage sont :

Alexander Vasukovich pour « Commemorative photo »

Alors qu’il couvre le conflit russo-ukrainien, Alexander Vasukovich est sollicité par des membres du bataillon du Donbass pour réaliser des clichés souvenirs des combattants, et les envoyer au fur et à mesure à leurs femmes, enfants ou amis. Un an et demi plus tard, le photographe décide de repartir à la rencontre des destinataires des courriers ainsi que des soldats revenus du front pour savoir ce qu’ils sont devenus. Les croix rouges qu’il appose sur ses portraits indiquent ceux qui ont été tués. Par cette action qui, d’une certaine façon, réactualise la tradition de gratter ou cacher le visage des morts sur les albums de famille, le photographe croise un rituel de mémoire vernaculaire et l’image de presse. Si la lecture dans les médias du nom des morts tombés à la guerre peine aujourd’hui à nous émouvoir, le photographe, en captant le visage des victimes, lutte contre leur anonymat et réactive la tristesse éprouvée à l’annonce de leur perte. En nous permettant de regarder les disparus dans les yeux, il attire également l’attention sur l’histoire de ces hommes devenus soldats par conviction.

Brice Portolano pour « Artic Love »

La série « Arctic Love » produite en Finlande est un des volets d’un travail documentaire au long cours entamé en 2013 et intitulé « No signal ». Pour ce projet, Brice Portolano suit des hommes et des femmes qui ont fait le choix d’habiter dans des lieux habituellement jugés hostiles aux États-Unis, en Iran et en Europe, afin de retrouver des valeurs simples et une certaine osmose avec la nature. Ici, le photographe accompagne le quotidien de Tinja qui, après des études dans le sud de la Finlande, a choisi de retourner vivre en Laponie, dans la petite maison où elle a grandi, et de se consacrer à l’élevage de chiens de traîneau.

Les coups de cœur de la Bourse du Talent Mode sont :

Charlotte Mano pour « Portraire »

Dans sa série « Portraire », Charlotte Mano interroge le pouvoir de déréalisation mais aussi de dévoilement de la photographie en se plaçant au seuil de la vision. Le contour des visages des modèles, nimbés dans une lumière bleutée, se trouble, de même que le périmètre du médium qui se rapproche ici de la peinture. Ces gures de mode, à peine esquissées par le pinceau photographique, deviennent des spectres reclus dans leur rêverie, séparés de l’artiste et du spectateur par un voile in me de matière.

Laurent Elie Badessi pour « Age of Innocence »

Observateur assidu des paradoxes de la société américaine, Laurent Élie Badessi développe la série « American Dream » qui met en scène des modèles vêtus en soldats de l’armée américaine et dont l’image léchée, à la symbolique appuyée, témoigne de la perception aseptisée que donnent les médias de la guerre en Irak.
Dans sa série « Age of innocence » où il portraiture des enfants et des adolescents posant avec leurs armes, le photographe dénonce de façon plus acerbe encore le rêve américain et la société, aveuglée par ses traditions. Le caractère soigné et volontairement
 séduisant de ces portraits en noir et blanc renforce notre malaise face à la banalisation du port d’arme dès le plus jeune âge aux États-Unis.

Coco Amardeil pour « Come Hell or High Water »

Dans « Come Hell or High Water », la photographe choisit de capturer le visage d’adolescents qui émergent de l’eau. Si elle revisite l’iconographie bien connue de la Vénus anadyomène, le choix de concentrer son objectif sur les visages et la palette d’émotions – parfois difficilement identifiables par le spectateur – qui s’y inscrit, propose une lecture très actuelle de ce tournant que représente l’adolescence. À la croisée des canons esthétiques de l’enfance et de l’âge adulte, ces visages nous apostrophent et condensent toute une gamme de sentiments allant de la gêne à l’insolence. Coco Amardeil joue par ailleurs des contrastes entre le contexte de la prise de vue, où semble régner la confusion, et le choix d’un rendu final d’une grande précision. Elle renforce aussi l’étrangeté de la mise en scène en optant pour des lumières théâtralisées.

Le coup de cœur de la Bourse du Talent Paysage est :

Florian Ruiz pou « La contamination blanche »

Installé depuis 10 ans à Tokyo et marqué par la catastrophe de Fukushima, le photographe cherche dans « La contamination blanche » à retranscrire la désintégration des atomes après la catastrophe nucléaire par un procédé de superposition d’images des paysages enneigés autour de la zone contaminée. Privilégiant l’utilisation de sténopés et de moyens formats argentiques pour valoriser l’imprévu et l’altération des couleurs, Florian Ruiz utilise aussi l’assemblage, la distorsion de fragments visuels, afin de matérialiser l’inquiétante blancheur et le danger de la radioactivité.

Les coups de cœur de la Bourse du Talent Portrait sont :

Emmanuelle Brisson pour « Les profondeurs du Cœur »

La série « Les profondeurs du cœur » d’Emmanuelle Brisson, évoque avec une douceur subtile les turpitudes de la vie de sa mère, Andrée, âgée de 89 ans. En recourant à divers accessoires perçus comme autant d’attributs symboliques, la photographe compose soigneusement ses portraits. La délicatesse qu’ils distillent rend plus percutante encore, par contraste, la dureté du propos qui les accompagne.

Myriam Meloni pour « Different Shades of Blue »

Dans « Different Shades of Blue », Myriam Meloni s’intéresse au sort des migrants sub-sahariens confinés dans les enclaves marocaines, empêchés de traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Dans ce reportage sensible, des portraits de réfugiés, confrontés à la perte de leur identité, calmes dans la résignation et l’attente, alternent avec des vues marines dont les différentes nuances de bleu inspirent tantôt de l’espoir, tantôt de l’effroi.

Anita Pouchard-Serrra pour « Urbanités latentes »

Anita Pouchard-Serra affirme photographier d’abord ce qu’elle vit plutôt que ce qu’elle voit, comme le démontre sa série « Urbanités latentes », réalisée dans les camps de réfugiés de Calais, en 2016, sur une période de quatre mois. En mêlant dans ses représentations dessins et photographies, Anita Pouchard-Serra s’écarte de l’image médiatique de ces lieux pour témoigner des solidarités qui permettent à ceux attendant un avenir meilleur de vivre, malgré tout, dans ces zones de transit et de se reconstruire une intimité quotidienne.